Tu ne sais pas quand la vie peut devenir difficile. Quand ce foutu destin te prend de cours et vient te faire trébucher sur le trottoir. Te donne mal au cœur, te vrille la tête d’un si lourd marteau que tu as l’impression qu’elle va exploser sans que tu ne puisses rien y faire. Parfois, tu auras envie de tout oublier, de descendre très très bas pour ne plus jamais remonter. Tu enfonces tes ongles dans la boue, t’en arrache quelques-uns où, par la suite, du sang rougi tes mains. Tu te fais du mal, t’échine à retrouver la lumière du soleil mais rien n’y fait. Tu es prisonnier de ton malheur, prisonnier de ta douleur et tu as beau hurler, personne ne t’entend car tu es recroquevillée dans ton mal être. Tu n’as plus qu’une seule envie ; te donner la mort …

C’est dans cet esprit-là que la jolie brune se dirigea vers son travail, une écharpe enroulée autour du cou. La neige tombait doucement sur la jolie ville de Sofia mais Mina n’en avait rien à faire. Elle repensait à ce roman de Dracula d’où ses parents avaient choisi son prénom. Deviendrait-elle comme ce vieux vampire ? Une âme errante jusqu’à ce qu’elle retrouve l’être aimé pour enfin mourir ? La jeune femme jeta un long regard vers le ciel d’un blanc aveuglant, laissant une larme couler au coin de son œil. Furtivement, elle la cueilli au bout de son doigt avant de remettre son gant. Un soupir s’échappa de ses lèvres alors qu’une légère buée s’élevait dans l’air, s’étirant à l’infini jusqu’à se dissoudre dans l’air glacial. Ses talons qui claquaient sur le sol lui indiquait le rythme à tenir alors qu’elle n’avait qu’une seule envie, partir en courant pour échapper à cette tristesse. A cette douleur d’être séparée de lui. Mais voilà, il fallait qu’elle continue sa vie comme si de rien n’était. Pour ses amis, pour sa famille. Il faut dire que ça fait déjà deux ans qu’il est parti emmenant avec lui une partie de son cœur.
Quelques minutes plus tard, la porte du bar se profila devant son regard. Elle n’avait plus qu’à traverser. Mais la demoiselle ne regarda pas, trop préoccupée par ce manque soudain. Elle entendit des crissements de pneus, des klaxons et des injures mais ne broncha pas. A présent, la jeune femme était en pilote automatique. Plus rien ne pouvait l’atteindre. Plus rien à par le voir lui, en face d’elle. Mais ne serait-ce pas se faire du mal que de le regarder alors qu’il n’en avait plus rien à faire de son amie d’enfance ?

Quelques heures plus tard, Mina se retrouvait à servir des hommes qui la reluquait, ne se gênaient pas pour essayer de la toucher. Souvent, la jeune femme la rembarrait mais là, elle restait de marbre. Ses yeux étaient rouges, son maquillage coulait légèrement mais personne ne semblait s’en soucier du moment qu’elle faisait bien son travail. Parfois, elle s’éloigner quelque peu pour reprendre le contrôle de son corps qui se mettait à trembler d’un seul coup comme si un immense frisson se répandait de ses pieds à sa tête. Mais la jeune femme n’avait pas froid. Elle se sentait juste en manque de lui. De sa drogue. De l’homme qu’elle aime …

Le temps se gâtait dehors alors que la jolie blonde était enfermée dans ce restaurant miteux à servir des clients qu’elle n’aimait pas. Des hommes avides de sexe et qui ne pensent à rien d’autre qu’à s’envoyer avec de jeunes minettes. Les rires gras qui résonnent, les verres qui s’entrechoquent et les couverts qui raclent l’assiette étaient en train de rendre folle la belle Mina. Elle soupira alors que la porte du café tinta à nouveau, laissant apparaître une jeune femme aux cheveux blonds, comme elle. Immédiatement, elle alla la voir, en profitant aussi pour échapper aux mâles qui étaient venus en nombre ce jour-là. Elle délaissa donc avec grand plaisir la table qu’elle nettoyait pour s’approcher de sa nouvelle cliente. Elle repoussa ses cheveux derrière ses épaules avant de prendre un carnet et un stylo qui étaient accrochés à sa fine taille. Mina afficha un sourire de circonstance sur ses lèvres légèrement maquillées avant de prendre la parole.

Bonjour, qu’est-ce que je vous sers ?

Ne pensant qu’à son travail, du moins elle espérait en donner l’impression, la jeune femme nota avec précision la commande de la fille en face d’elle. Puis, une fois qu’elle lui eut tournée le dos, Mina enleva son masque de petite employée modèle pour retourner à ses pensées et surtout, à Nikolaï. Son visage n’exprimait que la tristesse et tout semblait si monotone dans ce café qu’elle n’avait qu’une seule envie, enlever son tablier et partir en courant, loin d’ici. Soupirant, elle alla dans les cuisines et présenta la commande à celui qui s’occupait de préparer tout cela. En attendant, la demoiselle alla s’asseoir sur une chaise et se prit la tête dans les mains. Elle n’en pouvait plus de la tournure dans laquelle ses pensées la menaient. Toutes ces choses morbides qui lui venaient à l’esprit semblaient la faire chuter de plus en plus vers le fond. Une larme coula sur sa joue alors que son collègue s’approcha d’elle, le latte caramel en main ainsi que le brownie.

Tiens Mina, ta commande.
Merci Alex !
Dis, ça ne va pas ?
Si si, ne t’en fais pas ! Dit-elle avec un immense sourire.

Elle s’essuya les yeux d’un revers de manche alors qu’Alexander la regarda partir, ne croyant pas du tout à ce que la jolie blonde venait de dire. En même temps, qui oserait verser une larme alors qu’il était heureux ? Mina passa les portes battantes avant d’aller déposer la tasse fumante ainsi que la sucrerie devant Nastya.

Et voilà, bon appétit !

Puis elle recula et retourna derrière le comptoir où elle prit encore quelques commandes. La demoiselle allait à nouveau débarrasser une table lorsque son patron la prit par le bras, l’empêchant d’aller plus loin. Apparemment, il avait à lui parler. Inquiète, la jolie blonde l’écouta. En réalité, il voulait lui donner la fin de sa journée, voyant bien qu’elle n’était pas dans son assiette. Légèrement souriante, la jeune femme lui remit son tablier et s’empressa d’aller dans les cuisines pour récupérer ses affaires. Son dirigeant voulait qu’elle s’amuse. Maintenant, il ne restait plus qu’à trouver un endroit. Certes, la demoiselle n’en avait pas envie mais il faut dire que son chef est tellement gentil qu’il aurait été capable de venir lui demander ce qu’elle avait fait la veille alors qu’elle reviendrait au boulot demain. Indécise, elle s’adossa au comptoir, son sac à la main et son manteau sur le dos.

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